L'inconnu, c'est ce
mouvement qui hante le bruit des pas de l'acteur quand il entre en
scène. L'inconnu, c'est ce déploiement presque magique d'apparition
de pan mouvant de réel. Il vibre en suspens dans les airs qui
s'entrechoquent et grelotte de terreur. L'assurance du pas qui ose
s'introduire en zone d'illusion doit conserver toute sa contenance au
point d'être capable d'incarner la surprise et l'artifice du jeu
sous toutes ses formes ; intonations et démarches empruntées,
travestisme et autres maquillages biens pansés sous la plaie ouverte
du regard qui demande à être submergé pour mieux se raidir et se
figer d'effroi, d'émoi en s'oubliant dans la nature morte qu'il
observe en bon voyeur. L'inconnu, ce doux fantôme niché dans les
cordes et les rideaux. C'est celui qui autorise le passage entre le
réel et l'illusion contre quelques doses de lucidité à l'actant, à
l'intrus qui s'impose sur un espace scénique et donc sacré.
L'expression consacrée qui dit « il n'y a qu'un pas... »
prend à présent tout son sens grave et solennel.