September 1, 2013

Règlement de compte

Dimitri cherchait Quentin à tâtons dans le lit. Il ouvrit les yeux qui laissèrent pénétrer la lumière de la lampe posée sur le bureau. « Qu'est-ce que tu fais debout à cette heure ?
  • Je réfléchis.
  • À quoi ?
  • À rien. » Il y eut un silence que les ronronnements saccadés d'Einstein gênaient l'émotion de Quentin.
« Viens te coucher.
  • Je pense à Anna.
  • À quoi bon ?
  • Je me sens coupable.
  • On est en droit de se sentir coupable tous les deux tu sais ? Allez viens me rejoindre. Je me sens tout nu sans toi. »

Quentin se leva, enfila l'un des longs t-shirts de Dimitri, passa devant celui-ci sans même le regarder. Il referma la porte derrière lui. Dimitri ne cherchait pas à le retenir davantage. Il comprenait son sentiment. Faustine avait pour lui une hostilité qui lui était tout aussi difficile à dissimuler ce qui rendait l'air de l'appartement plus lourd encore que les vagues de chaleur de l'été.


* * * * * * * * * *

Il y avait cette nuit-là quelque chose d'anormal. Faustine n'arrivait pas à trouver la position qui la déroberait au monde réel pour embrasser l'imaginaire et l'intouchable de la nuit. Le désordre des vecteurs de ses bras et de ses jambes dessinait des courbes cassées en vrac sous le drap blanc duquel l'empreinte et l'odeur de son aimé étaient absentes. Seule au féminin de son essence. Il lui manquait la rugosité du torse de Chayim sur lequel elle aimait tant faire danser ses doigts entre ses poils. Elle soupire, se lève et part s'asseoir dans la cuisine.
Du silence à ne plus savoir quoi en faire. Sa tasse résonne comme si elle avait jeté un sac de bille sur la faïence de l'évier. Les canalisations pompent une eau qui peine à se rafraîchir des profondeurs des stations de la ville jusqu'au bord de ses lèvres sèches. Elle entend la porte de la chambre s'ouvrir.
Le temps d'un instant, elle crut qu'Anna allait sortir de la chambre mais elle faisait face à Quentin qui freina son élan aussi sec. « Assieds-toi crétin. Ça va être difficile de s'éviter de toute façon. Alors arrête de faire semblant d'être surpris de me voir à chaque fois que l'on se croise.
  • Il est trois heure du mat' Faustine. On peut pas attendre qu'il fasse jour pour se jeter des politesses à la tête ?
  • Maigre euphémisme. Allez. Assieds-toi je te dis. C'est toujours mieux que d'être chacun dans notre coin.
  • Tu n'arrives pas à dormir.
  • C'est la deuxième fois que Chayim ne rentre pas cette semaine. Je m'inquiète un peu.
  • Tout va bien entre vous ?
  • Oui. Enfin je crois. J'en sais rien, fit-elle en baissant la tête. Puis j'ai pas envie de t'en parler.
  • Bon, puisqu'on est là tous les deux. Tu pourrais peut-être enfin me cracher ton venin. Je sais que tu en meurs d'envie.
  • Ne me fais pas passer pour la connasse de cette histoire.
  • J'ai jamais dit ça.
  • Alors qu'est-ce que tu as à me dire ?
  • Qu'il serait bon que tu comprennes que c'est aussi difficile pour moi de réaliser qu'Anna ait quitté l'appartement à cause de moi.
  • À cause de VOUS !. Dimitri n'est pas tout blanc.
  • Alors c'est quoi ton problème avec moi.
  • Par où commencer ? T'es dans la merde et on te propose de venir vivre avec nous et tu voles Dimitri à Anna. T'es sûr qu'il n'y a rien qui cloche dans cette affaire ?
  • Alors laisse-moi te dire une chose ma belle. T'es effectivement la connasse de cette histoire. Dimitri et moi, c'est arrivé comme on tombe d'une chaise. On n'a rien demandé et Anna devait bien finir par le savoir un jour ou l'autre.
  • Certainement pas de la façon dont elle l'a découvert.
  • Certes. Et alors ? Ce qui est fait est fait.
  • T'as toujours réponse à tout comme ça ?
  • Là pour le coup, je ne vais pas me gêner et j'aurai le dernier mot. Je comprends très bien que tu m'en veuilles tout particulièrement mais tu es odieuse avec moi et il faut vraiment que ça cesse.
  • T'as qu'à déguerpir tu sais. Personne te retient...

La porte de la chambre s'ouvrit violemment. Dimitri déboula sur Faustine et la gifla. « Et tu sais très bien que tu ne l'as pas volée celle-là ! » Faustine resta figée un moment et quitta la pièce en claquant la porte. « Tu n'aurais pas du faire ça Dimitri.

  • Tu te moques de moi ? Tu comptais te laisser insulter sans rien faire.
  • Je ne serai sûrement pas allé jusqu'à...
  • C'est tout ce que j'ai trouvé à faire sur le coup.
  • Et tu feras quoi quand elle en parlera à Chayim ?
  • J'en sais rien et je m'en fous. Elle est infâme cette nana. Elle a perdue sa seule amie alors il faut qu'elle devienne invivable ? Je ne suis à moitié étonné que Chayim rentre de plus en plus tard. Depuis le départ d'Anna, tout le monde essaie de faire en sorte de tenir l'appartement en ordre mais madame « trouve » de la drogue par hasard et passe son temps complètement à l'ouest. Je veux bien admettre qu'elle soit loufoque et quand bien même, y a pas tant de mal à ça. Mais elle devient de plus en plus irrationnelle. Elle et Chayim ne couchent même plus ensemble et elle se venge sur toi à la moindre occasion. Trop c'est trop. »