Il fit sursauter ses
paupières comme un dément mais avec dans l'intention du geste, de
la douceur. Comme s'il cherchait la pulsion du cœur et l'électricité
du mouvement même initié. Il partait de ce qui se projetait sur sa
rétine pour se détourner du flou artistique des formes de son
bureau, de son pot à crayon, de son bazar... Son regard atterrit sur
les courbes de sa nuque pour deviner les contours invisibles d'un
fantôme par dessus son épaule. Il n'y avait rien, rien d'autre que
le néant qui le séparait de son envie de faire d'un rien tout un
monde. Il se frotta les yeux et comme à chaque fois, dans le noir de
ses pensées et à la lumière du jour, il avait beau constater que
la page restait blanche sans en ressentir une frustration des plus
déplaisante, il savait ce qu'il avait à dire et tout ce qui restait
muet. Il y avait ces mots et ces images qui se mélangeaient dans une
danse unique dont les pas touchaient les fibres du papier vierge de
ses carnets. Il y avait des mélodies en formes de lettres colorées
que son stylo peignait en prose que sa main égrenait en tout temps
en tout lieu sur tous les supports. Des cordes vocales en passant par
la voix mentale, il se perdait dans une sorte de tectonique des
plaques de l'imaginaire et du réel troublées par le doute et la
visée même de l'acte d'écrire.
À force d'essayer, il
se perdait dans un labyrinthe fait de couloirs en béton armé. Il se
barricadait dans une solitude qu'il jugeait nécessaire à la
floraison de l'accomplissement de toute cette fichue pulsion. De
l'instantané prémédité dont la délivrance rêvée pénètre les
calques et les couches sereines de tout ce qu'il lui manque pour
achever une ligne, une page, un livre...